Du lait équitable dans l’Ain
C’est une première en France.
La coopérative Bresse-Val-de-Saône vient de passer un accord avec Carrefour. Les 1 200 enseignes du groupe distribueront à partir de novembre le lait de 51 producteurs de l’Ain à un prix équitable fixé par les consommateurs.
Dans les semaines qui suivent, le lait des cinquante et un producteurs réunis dans la coopérative Bresse-Val-de-Saône va prendre la route du Loiret.
Entre sept et dix millions de litres par an seront conditionnés par une autre coopérative, celle de Saint-Denis-de-l’Hôtel, avant d’être mis en gondole à partir de novembre dans les 1 200 enseignes du groupe Carrefour.
Le secteur de la production laitière traverse une crise profonde, avec un effondrement des prix qui ne permet plus aux producteurs de vivre de leur travail. Mais ceux de la coopérative Bresse-Val-de-Saône ont préféré inventer la brique équitable, puisque le lait leur sera payé dans ce cadre 39 centimes le litre.
Alors qu’ils en retiraient jusqu’à ces derniers jours un peu plus de 20 centimes, explique Martial Darbon, le président de la coopérative.
Avec son équipe, ce producteur de Dommartin a su transformer la grande colère des agriculteurs en une idée géniale qui doit leur garantir un revenu juste.
« On a diffusé une plaquette expliquant notre crise à tous les directeurs de la grande distribution dans les trois cantons d’Attignat, Replonges et Vonnas, depuis Châtillon jusqu’à Sermoyer, poursuit Martial Darbon. Le directeur d’un Carrefour l’a fait suivre à sa région, qui l’a fait remonter à la direction nationale. On a été très bien reçus. Mais depuis deux petits mois, on bosse comme des malades ! »
« Les 51 producteurs qui en bénéficieront sont issus de petites exploitations familiales en grande difficulté », rappellent les responsables du projet.
Chaque année, au moins un tiers du lait de la coopérative Bresse-Val-de-Saône va être mis en pack par la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel, dans le Loiret, avec laquelle un partenariat a été conclu.
Mais Martial Darbon et son équipe ont quelques autres idées, tout aussi novatrices, pour écouler le reste de leur production.
6000 « clients Carrefour » consultés :
Pour une fois, ce n’était pas un sondage, mais une votation ! Cet été, 6 000 clients du groupe Carrefour ont été invités à fixer eux-mêmes le prix qu’ils accepteraient de payer leur litre de lait. Le compteur s’est arrêté à 99 centimes.
De plus, ils ont également voté sur un cahier des charges précis quant à la production : elle sera issue de vaches nourries sans OGM, avec des fourrages locaux et elles iront au pâturage entre trois et six mois par an.
« Personne ne viendra se mettre en travers de cette rémunération fixe et constante », assure de son côté Nicolas Chabanne le président des Gueules cassées et l’un des partenaires de l’opération. Cette association anti-gaspillage s’est fait connaître en remettant sur le marché des produits parfaitement consommables, mais présentant un défaut d’aspect qui les condamnait à être jetés. Son logo, une jolie pomme bien rouge, avec une bouche édentée. . .
Le lait sera vendu sous les couleurs d’une nouvelle marque « C’est qui le patron ? La marque des consommateurs ». « En échange d’un coût supplémentaire minime (environ 7 centimes d’euro par brique), les
consommateurs vont pouvoir participer au sauvetage de la filière », se réjouit Nicolas Chabanne. Qui ajoute : « Ces producteurs sont exemplaires. » Et la marque « C’est qui le patron ? » ne compte pas se cantonner au lait. Au contraire, une réflexion est menée pour l’étendre à d’autres produits laitiers, la charcuterie ou les pizzas. Et pourquoi pas la viande, dont les producteurs avaient mené des actions dans toute la France contre l’enseigne Carrefour afin de protester contre des prix d’achat jugés trop bas.