Des banques françaises continuent de spéculer sur les matières premières agricoles

Matières premières agricoles : la spéculation continue malgré les belles promesses

BNP Paribas, Société Générale et BPCE proposent toujours des produits de placement spéculant sur les prix des matières premières agricoles. Ils mettent en péril le droit à l'alimentation de centaines de millions de personnes, dénonce l'ONG Oxfam.

Par Clara Jamart publié le 23/02/2015 à 14:41, mis à jour le 24/02/2015 à 12:00 sur l’express.com

Il y a tout juste deux ans, sous la pression d’Oxfam France, les principales banques françaises prenaient des engagements forts pour réduire ou stopper leurs activités spéculatives sur les matières premières agricoles. Dans le même temps, les parlementaires votaient dans le cadre de la réforme bancaire des mesures favorisant la transparence et la régulation de ces activités toxiques. Deux ans plus tard, le bilan des promesses et des progrès législatifs est sans appel : tout reste à faire.

Pourquoi viser les fonds d’investissement ? Parce que la spéculation excessive sur les matières premières agricoles met directement en péril le droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes dans les pays du Sud. Une personne sur huit souffre aujourd’hui de la faim, soit près de 900 millions de personnes à travers le monde. Le développement d’outils financiers toxiques, comme les fonds indexés sur les cours des matières premières agricoles, aggravent la volatilité des prix alimentaires et prive les populations les plus pauvres de l’accès aux denrées de base. La situation est grave, et les banques françaises doivent assumer leur part de responsabilité.

« Se fier à la bonne volonté des acteurs financiers est totalement illusoire »

Pourtant, les résultats de notre nouvelle étude démontrent que trois groupes bancaires français proposent toujours à leurs clients des outils permettant de spéculer sur les prix des matières premières agricoles : BNP Paribas, Société Générale et le groupe BPCE (Caisse d’Epargne et Banque Populaire), via Natixis. Et force est de constater que les promesses n’ont pas véritablement fait le poids face à l’appât du gain. Au final, le montant total des fonds gérés par les banques françaises et exposés aux matières premières agricoles s’élève aujourd’hui à au moins 3 561 millions d’euros, dans un secteur où l’opacité reste la règle.

Se fier à la seule bonne volonté des acteurs financiers est donc totalement illusoire, mais du côté politique, le gouvernement semble bien peu pressé de mettre en œuvre les nouvelles mesures légales de la réforme bancaire, et de jouer son rôle de régulateur. Plus d’un an et demi après le vote de la réforme bancaire, les mesures législatives concernant la transparence et la régulation des marchés dérivés de matières premières agricoles ne sont toujours pas appliquées.

Pour lutter efficacement contre la spéculation sur les matières premières agricoles, l’Etat doit impérativement réguler les marchés financiers, et l’Autorité des marchés financiers doit appliquer la loi, tout simplement. Nous demandons à Michel Sapin d’appliquer à la lettre les promesses de campagne de François Hollande. Rappelons-nous, trois ans après le fameux discours du Bourget, que celui-ci avait promis de « mettre fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie ». Les fonds indexés sur les cours des matières premières agricoles sont clairement de ceux là. Et sont toujours largement distribués par les banques françaises.

Par Clara Jamart, pour l’ONG Oxfam