Les super-aliments : Intérêts & limites

3- Les limites

3- Les limites de la consommation des super-aliments

31- Des promesses souvent usurpées

« Ces aliments sont mis en avant pour leur forte concentration en substances présentées comme intéressantes du point de vue nutritionnel. Ils sont aussi généralement consommés en très faible quantité. Or, c’est elle qui compte in fine », explique la professeure Irène Margaritis, cheffe de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition de l’agence sanitaire (Anses).
D’autres consomment des graines de chia pour compenser le manque de protéines de leur régime alimentaire. Mais pour ingérer l’équivalent en protéines de 100 grammes de viande bovine, ces consommateurs devraient manger près de 150 grammes de ces petites perles « dont la forte teneur en fibres peut provoquer des soucis intestinaux », prévient la diététicienne et nutritionniste Florence Foucaut. Même problème avec le curcuma, dont les mérites sont régulièrement vantés dans la presse féminine. « Pour bénéficier de ses vertus anti-inflammatoire, il faut en avaler au moins une cuillère à soupe. En saupoudrer ses plats ne suffit pas. »

32- Les risques associés à la consommation de ces super-aliments

« Chez les fumeurs, la surconsommation de spiruline, un superaliment particulièrement chargé en bêtacarotène, augmente aussi le risque de cancer du poumon » ajoute la scientifique.
Outre les croyances populaires sur cette algue verte prisée des végétaliens pour son apport en vitamine B12 - pourtant inassimilable par l’organisme - l’Anses a enregistré, via son dispositif de veille, une cinquantaine de signalements pour effets indésirables, dont un oedème facial. « L’eau avec laquelle les produits incriminés sont cultivés, surtout hors de l’Union européenne, peut contenir des métaux lourds. L’algue peut également être contaminée par des toxines », précise Irène Margaritis. Seuls remontent les cas signalés à l’Anses qui, jusque-là, n’a pas eu à tester les baies de goji, contrairement à son homologue hollandais, la NVWA, dont les récentes découvertes ont scandalisé.

À propos des autres vertus associées à la curcuma, la chercheuse en épidémiologie nutritionnelle Mathilde Touvier se montre encore plus prudente. « Des études menées sur des souris montrent des effets prometteurs sur le cancer du côlon. Mais rien n’indique que cela fonctionne chez l’humain », rappelle la professeure de l’Inserm.

Régulièrement, des patients atteints de cancer la contactent pour partager leurs dernières découvertes. Extraits de papaye verte fermentée, baies de goji... « Tout n’est probablement pas à mettre à la poubelle. Mais aucune étude de grande ampleur n’a été menée sur ces aliments pour le moment. Nous avons mis la charrue avant les bœufs. L’engouement marketing est présent bien avant les preuves scientifiques. Et c’est dangereux ! », alerte la spécialiste. « Cela donne l’impression que l’on peut faire n’importe quoi et se trouver protégé simplement parce qu’on consomme ces produits. »

En 2016, l’autorité de sûreté alimentaire néerlandaise a ainsi examiné 30 échantillons de ces baies présentées comme miraculeuses, utilisées en médecine traditionnelle chinoise,et dont la consommation est en pleine expansion en Europe. « Parmi ces échantillons, 11 venaient de Chine, 1 du Royaume-Uni (ce qui est impossible, car ils n’en produisent pas) et 18 étaient d’origine inconnue, donc intraçables. C’est inacceptable d’un point de vue légal, mais aussi en ce qui concerne la sécurité alimentaire », s’insurge Corinne Cornelisse, militante de Food Watch, une organisation non-gouvernementale de défense des consommateurs, aux Pays-Bas.
L’analyse des baies n’a pas non plus rassuré les consommateurs. « Un des sept échantillons de baies de goji bio était contaminé par 18 pesticides différents. Sur l’ensemble des produits testés, sept sur dix dépassaient les niveaux légaux de pesticides, jusqu’à 55 fois la dose maximum autorisée. Ils étaient tout autant à contenir des pesticides interdits en Europe en raison des risques éventuels pour la santé », poursuit l’activiste, qui regrette que la NVWA n’en ait pas informé les consommateurs.
L’ONG assure que les États-membres de l’Union européenne épinglent régulièrement les marques de baies de goji en raison de l’usage de pesticides interdits. La plate-forme numérique de la Commission européenne, la RASFF (Food and Feed Safety Alerts), en témoigne, effectivement. Entre le carbofuran, interdit depuis 2008 en France à cause de sa toxicité, et la présence de salmonelle, les alertes impliquant les baies de goji sont nombreuses au sein de l’UE. « C’est la double peine : les gens prennent parfois des risques en plus de consommer des produits dont les bienfaits ne sont pas toujours prouvés », résume Irène Margaritis.